Promenade seule... seule? [PV Libre]

Lindsay venait d'arriver au lycée Beni-Tsuki, aussi à l'aise qu'un nouveau professeur puisse l'être. Et elle débutait en beauté cette année en se rendant pas au discours d'entrée du directeur de l'établissement, rendu obligatoire pour les nouvelles recrues adultes. Au lieu de cela, elle accomplissait un rituel étrange qu'elle pratiquait à chaque fois qu'elle intégrait un nouvel endroit. Elle allait là où elle détestait aller. Dans le cas présent, la jeune femme se balladait au bord du lac, alors qu'elle haïssait l'eau plus que tout. Mais elle était ravie de se trouver ici, là où personne en ce moment n'était, à visiter un lieu où elle ne remettrait jamais les pieds.

Lindsay se promenait sur les rives, s'approchant même parfois un peu trop de l'eau, qu'elle trouvait vaseuse et répugnante à souhait. Etrange. Son visage était serein, placide, ne montra en aucun cas son dégoût intérieur. Pourquoi détestait-elle autant l'eau? Elle n'en savait rien. Presque rien, elle ne voulait juste pas se l'avouer. Mais une chose était sûre: elle la détestait...

Lassée de marcher, la jeune femme s'assit sur une pierre plate à quelques mètres de la rive. Elle sortit de son sac un livre intitulé "Us et coutumes du Japon" et l'ouvrit au marque-page. Cela faisait à peine quelques mois qu'elle était au Japon et maîtrisait la langue relativement bien, ce qui lui avait valu de faire valider son diplôme français très vite. Mais elle ne connaissait presque rien aux traditions si importantes à ce pays.

Bientôt, elle fut si concentrée qu'elle n'entendit pas les pas qui se dirigeaient vers elle.

Le discours de début d'année n'interessait pas le moins du monde la princesse écarlate. Cela faisait maintenant une dizaine d'année qu'elle était ici, et chaque fois c'était la même chose. Une dizaine d'année... Que le temps passait vite! Elle se souvint de ses débuts, assez amusant d'ailleurs, car elle avait l'age d'une troisième année... Très jeune pour être prof d'anglais à vrai dire. Ceci étant dit, elle n'avait eu aucun problème pour se faire respecter par la plupart des élèves. Et aujourd'hui encore, malgré le secret de son pouvoir, tous la connaissais sous le même surnom: Beni-Hime, et la respectaient. Enfin, certains devaient la mépriser sans qu'elle s'en aperçoive, mais peu lui importait.

Elle était habillée de son ensemble chinois (son pays d'origine) favori: un pantalon de lin noir, un peu bouffant, des chaussons assortis et une longue tunique en soie rouge, sans manche, fendue à la taille sur les côtés et à l'avant. Ses cheveux étaient remontés par une barette en une coiffure presque désordonnée et ses yeux bleus soulignés d'un trait noir, discret. Rien de superficiel.

Elle obliqua vers la lac. Elle connaissait lelycée dans les moindre recoin, et c'était peut être un des lieux qu'elle préférait. Peut être parce qu'elle avait l'impression d'être libre dans ce grand espace. Car il était vrai que rester enfermé dans le lycée devenait lassant au fil des années. Certainement, aussi, aimait-elle la surface lisse de l'eau balayée par des ondes. Et l'air, jute un peu humide, agréable et rafraichissant.

Elle remarqua en arrivant qu'elle n'était pas seule. Quelqu'un se tenait là, au bord de l'eau. Une femme, une nouvelle, surement un pion ou une prof. Midori hésita quelques instants à aller lui souhaiter la bienvenue. Elle n'aimait pas déranger les gens. Finalement, elle s'avança, s'arma d'un sourire, s'annonça d'une voix douce et fraiche:

-Bonjour...

Ce ne fut qu'aux salutations brèves de la personne derrière elle que Lindsay se rendit compte de sa présence. Ne se retournant pas de suite, elle ferma calmement son livre, le rangea dans son sac et se releva doucement, époussetant la longue jupe en cuir et le chemisier blanc desquels elle était vêtue. Puis, elle pivota vers la personne qui l'avait interpellée. C'était une jeune femme, elle avait l'air plus jeune qu'elle (ce qui n'était pas vraiment le cas), avec de beaux cheveux châtains foncés et de beaux yeux bleus. D'après ce que savait la jeune professeur sur les japonais, la personne devant elle ne devait pas être d'origine japonaise à cent pourcent. Elle lui sourit doucement et lui dit d'une voix calme:

- Bonjour à vous aussi...

Elle s'inclina respectueusement, se demandant bien la profession de son interlocutrice. Mais comme, d'une façon ou d'une autre, elle serait amenée à travailler avec elle, Lindsay fit un début de premier pas pour mieux la connaître.

- Je me présente, Lindsay Taylor, professeur d'histoire au sein de cet établissement depuis quelques heures...

Après tout, si elle n'y mettait pas un peu du sien, la jeune femme ne se ferait jamais d'amis et elle ne voulait pas cela.

Donc, c'était bien un professeur. Et bel et bien une nouvelle. Ouf, la mémoire de Midori ne lui faisait pas défaut. Elle sourit gentillement et s'inclina à son tour:

-Midori Crimson, ou plutot Beni-Hime... Je suis le professeur d'anglais depuis près de dix ans.

Elle avait précisé qu'elle était la princesse écarlate presque par reflexe. Pourtant, elle n'aimait pas que les gens la juge juste à son titre... Mais cela lui permettait de se faire, très vite une impression sur eux... mais dejà, la voix calme du professeur d'histoire géographie lui plaisait. Une personne maitre de ses émotions apparement. Une collègue qui s'avererait interessante. Mais, comme a chaque fois qu'elle rencontrait quelqu'un ici, elle ne pouvait s'empêcher de se demander quel était son don... Plutôt normal. Mais elle trouvait cela impoli de demander, même si des qu'elle déclinais son identité, tous professeur connaissais son rôle... C'était quelque peu éprouvant.

-Vous n'assistez pas au discours du directeur, demanda-t-elle, quelque peu surprise.

Dire qu'elle connaissai Maeda depuis si longtemps et qu'il n'avait pas pris une ride! Midori devrait s'y faire... Elle qui était si faible de santé secondait un vieux impérissable... Quel ironie!

- Il me semble que ce qui est dit en ce moment n'est autre que ce qui était inscrit sur le papier que l'on a remis aux professeurs à leur admission, non?

- Puis-je vous appeler par votre prénom? Je sais qu'il est de coutume de s'appeler par son nom au Japon, mais je suis américaine... Puis-je vous appeler Midori?

Lindsay aurait mieux fait de ne pas se sentir soulagée... Certes Midori était jeune, mais cela faisait maintenant dix ans qu'elle maintenait la protection de ce lycée. Dix ans que sa santé se dégradait de jour en jour... Mais elle n'en parlait jamais à qui que ce soit. Elle n'aimait pas qu'on s'apitoie sur elle, ni inquieter son entourage. Donc, elle faisait de son mieux pour garder le sourire, cacher ses cernes et paraitre en forme.

- Il me semble que ce qui est dit en ce moment n'est autre que ce qui était inscrit sur le papier que l'on a remis aux professeurs à leur admission, non?

C'était vrai. Elle l'indiqua à sa collègue d'un petit sourire entendu. Pourtant, cela avait un côté amusant de voir le directeur se donner en spectacle devant les élèves! Enfin, intéressant... Seulement la première fois! Et puis, le temps du discours, en étant observateur, on pouvait très vite se faire une idée des élèves selon leur comportement, ainsi que de l'ambiance générale de l'année. Mais Midori préférait avoir la surprise...

- Puis-je vous appeler par votre prénom? Je sais qu'il est de coutume de s'appeler par son nom au Japon, mais je suis américaine... Puis-je vous appeler Midori?

L'appeler par son prénom? Cela ne la dérangeait aucunement! Pour la simple et bonne raison qu'elle voyait mal ses collègue l'appeler Crimson. D'ailleurs, il y en avait un irrécupérable qui s'amusait à l'appeler Beni... Qu'elle idée tordue! Mais bon, Yoruda restait Yoruda! Devrait-elle mettre le professeur d'histoire en garde contre cet étrange spécimen de la gente masculine? Plus tard.

-Bien sûr! Je vous vois mal m'appeler Crimson! En contre partie, je m'octroie le droit de vous appeler par votre prénom!

Elle s'assit dans l'herbe près du lac, fatiguée de rester debout. Elle se fatiguait vite il fallait dire.

La caresse du vent était agréable... Elle invita d'un sourire Lindsay à s'asseoir près d'elle. Il fallait savoir profiter de ces instants...

- Bien entendu! D'ailleurs, je préfère!

Nullement gênée par ces questions, Midori se contenta de sourire à sa collègue. Tous les nouveaux professeurs étaient mis au courant de sa fonction et son interlocutrice ne faisait visiblement pas exception à la règle. Cela avait quelque chose de lassant et de rassurant à la fois. Mais cela lui mettait aussi un peu la pression. Savoir que tant de gens comptait sur vous! C'est certainement pour cette raison que seuls les élèves du comité étaient au courant. L'ignorance avait du bon parfois, même si la princesse se refusait à y croire. Selon elle, on ne pouvait pas vivre dans l'ignorance. D'humeur égale (pour le moment), elle répondit sur un ton frais:

-Je maintiens juste un sort de protection sur le lycée, à vrai dire.

Elle se demanda un instant ce qu'elle allait dire ou non avant de continuer. Elle se décida finalement. Pourquoi faire des secrets? Cela n'aurait certainement pas de répercutions bénéfiques.

-Mais je dois vous avouer que c'est effectivement très fatiguant. Le sort réclame beaucoup d'énergie... Que je suis dans l'obligation de fournir. Les premières années ça allait. Maintenant, au bout de dix ans... Je ne sais pas combien de temps je pourrais tenir comme ça, finit-elle par avouer.

Elle s'allongea et regarda les nuages s'étirer au gré du vent dans le ciel. Elle savait pas ce qui lui avait pris d'être aussi franche. Elle ne voulait pas l'effrayer. Mais en même temps, elle n'avait pas envie de lui mentir, ne serait-ce que par omission. Il y avait des jours, comme ça.

Elle remarqua alors que quelque chose clochait chez Lindsay.

-Quelque chose ne va pas? demanda-t-elle, inquiète.

Elle ne se doutait évidemment pas que c'était la proximité de l'eau qui posait problème à sa collègue. Qui aurait pu, sans la connaitre d'ailleurs?

- Cela ira!

- Si vous enseignez depuis dix ans ici, vous êtes-vous fait un avis sur les différents professeurs?

Midori trouva plus raisonnable de ne pas insister. Elle n'aimait pas pousser les gens à révéler ou faire ce dont ils n'avaient pas envie. Et si elle n'allait vraiment pas bien, elle la tirerait de force à l'infirmerie. Après tout, l'infirmière était douée du don d'empathie et serait quoi faire, même si elle râlerait pas mal...

-Si vous enseignez depuis dix ans ici, vous êtes-vous fait un avis sur les différents professeurs?

Se faire un avis sur les différents professeurs? A vrai dire, il était dur de se faire un avis sur quoi que ce soit dans cet établissement. Mais ça, le professeur d'histoire le découvrirai bien assez tôt. Midori opta toutefois pour une réponse sincère:

-Et bien... A vrai dire, la plupart de mes collègues ne restent pas longtemps dans ce lycée. Beaucoup décident de se rendre à l'étranger pour poursuivre l'oeuvre du directeur... Et puis, même quand on connait les professeurs, il est dur de se faire une idée...

Elle n'avait pas l'intention de s'étaler plus sur le sujet. Cela serait inutile. Y a des choses qu'on ne comprend qu'en les ayant vécues. Elle ne voulait pas que sa collègue se fasse de fausses idées sur la chose à cause d'une mauvaise interprétation ou autre.

Elle resta silencieuse quelques instants, profitant de ce moment de calme. Puis elle chercha un nouveau sujet de conversation, qui pourrait l'aider à mieux connaitre Lindsay.

-Vous faisiez quoi avant de venir ici?

Question anodine qui concernait en grande partie leur profession, mais elle espérait tout de même obtenir quelques renseignements ainsi et par la même occasion ne pas paraître trop indiscrète. Car s'il avait bien une chose que la princesse écarlate se reprochait souvent auparavant, c'était l'indiscrétion et la curiosité. Seul aspect de sa personnalité qu'elle avait réussi à dompter jusqu'alors. Surprenant non?

Rien de bien passionnant... Cela fit sourire le princesse écarlate.

-J'aurais donner n'importe quoi pour une vie plus calme...

C'était vrai et faux en même temps, réalisa alors Midori. D'un côté, elle avait trouvé sa vie trop mouvementée. Elle aurait voulu avoir un pouvoir plus ordinaire si cela était possible. Ou au moins avoir moins de responsabilités. Elle aurait aussi voulu avoir différents postes avant d'atterrir ici, et non pas avoir passé les dix années de sa vie professionnelle à Beni-Tsuki. Et en même temps, une autre vie lui aurait-elle convenue? Peu probable. Et puis la vie dans ce lycée n'était peut être pas de tout repos, mais s'avérait palpitante et enrichissante. Puis, il y avait des gens qu'elle appréciait beaucoup.

Les élèves aussi pouvaient être attachants. Mais ils étaient souvent turbulents. C'est que le fait qu'ils ont des pouvoirs faisaient de pas mal d'entre eux des cas difficiles, aussi bien que d'excellents étudiants. La plupart des profs s'adaptaient, mais il arrivait que certains d'entre eux ne tiennent pas un mois. Et pas qu'à cause des élèves! Les dons étaient parfois incompatible... Et les profs pouvaient être pire que des gosses. D'ailleurs...

Soudain, Midori se redressa, se mit à quatre pattes devant sa collègue, plongeant ses yeux dans les siens. Et d'un ton comiquement sérieux, elle annonça:

-Il faut tout de même que je vous mette en garde...

Elle laissa sa phrase en suspend, attendant la réaction de Lindsay.

- Je vous écoute, qu'y-a-t-il?

A présent certaine qu'elle avait l'attention de son interlocutrice, Midori se laissa retomber à genoux, à peine consciente de la position inconvenable qu'elle avait prise quelques secondes plus tôt. Munie de son air le plus sérieux, elle annonça:

-Je dois vous mettre en garde, donc. Il y a un sacré coureur de jupons parmis les professeurs.

Quoi? Elle voulait que son amie de fasse son propre avis sur ses collègues? Ben, elle pouvait bien parler du cas de Yoruda, non? C'était plutôt important quand même. Et puis, vous le savez tous: Midori Crimson, professeur d'anglais du lycée de la lune écarlate change d'avis comme de chemise et se trouve être l'exemple le plus dément de lunatisme. Elle continua donc sur sa lancée, sans se defaire de son sérieux, au point d'en être déstabilisante:

-Et bien, figurez vous qu'il se trouve être un homme très charmant et plein de bonnes qualités. Mais, car il y a toujours un mais, il cours vers toutes les femmes pour peu qu'elles soient suffisamment belle et jolies. Pas de doute sur le fait qu'il ait du gout, mais quand même! Les stagiaires y sont passé d'ailleurs, et résultat, le laboratoire a eu le droit à un joli feu d'artifice!

Elle s'arrêta de parler d'abord pour reprendre son souffle. Puis elle réalisa soudain ce qu'elle était en train de dire. Pour sûr, Shuuka-san ne serait pas content. Et puis, qu'est ce qui lui prenait de parler du jour ou son collègue avait fait sauter le labo de sciences physiques? Elle se gratta la nuque avec un air contrit et un petit sourire:

-Haem... Désolée...

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